• Résurgence

     

    Le temps passe si vite... A force d'enchaîner les instants présents, on s'aperçoit au bout d'un moment qu'on a une pile de passé à trier. Et passer son temps à trier le passé, cela donne une étrange perspective au présent. Une vague impression d'être un marcheur immobile suspendu entre deux instants. Fragile suspension en équilibre précaire qu'un souffle peut précipiter d'un côté ou de l'autre.

    Doit-on d'ailleurs absolument revivre ce qui a été, au risque de ne plus profiter de ce qui s'offre à nous, là, maintenant, tout de suite? Certains prennent le parti inverse, en se projetant dans le futur, qu'il soit anticipé de façon positive, ou, au contraire, comme le réceptacle de toutes les angoisses du présent, pour les mettre à distance. Quitte à se faire rattraper par elles plus tard. C'est obligé.

    Que nous soyons englués dans les affres de notre passé, ou paralysés par l'incertitude de l'avenir, le résultat est le même. Nous sommes immobilisés dans une toile d'araignée géante construite par nous-mêmes. Reste à savoir si les arachnophobes s'en sortent mieux que les autres. Pas sûr.

    Il faut donc respirer à pleins poumons l'air du temps présent, le laisser grimper jusqu'au cerveau pour dépoussiérer un peu le grenier à souvenirs, car il n'y a rien de pire qu'un souvenir poussiéreux: ça fait éternuer. Quand on éternue, on ferme les yeux. Et quand on ferme les yeux, on ne voit rien. On en garde alors la sensation d'une chose désagréable. Il est donc important de faire le ménage de temps en temps sous peine de développer une allergie au passé. Prendre soin de ce qui a été pour pouvoir le regarder sereinement, quand on en a envie. Et pas parce qu'il le faut, sous peine d'être taxé d'insensible.

    Certains souvenirs ne sont pas beaux, même une fois nettoyés. Ils absorbent la lumière et aspirent l'énergie dans un gouffre sans fond. Un peu comme des trous noirs. Ils grognent et  montrent des dents  quand on fait mine de les approcher pour les amadouer. Doit-on les abandonner, les laisser retourner à l'état sauvage, au risque qu'ils déchiquettent tout sur leur passage, ou tenter de les apprivoiser pour les calmer? La réponse est propre à chacun. L'absolu n'existe pas. Mais je dois avoir quelque part l'adresse d'un fabricant de niches hors pair...

     

    Photo: The host, Efelo Dream Factory.


    4 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires