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    Opération phœnix

      


    Qui peut deviner les ardentes braises blotties sous la cendre des jours ordinaires?

    Quel intrépide  baroudeur percevra leur tiédeur sous l’indéfectible écorce de glace ?

    Quel fou, dans l’élan de sa lubie prédatrice, aura la folle audace de les raviver ?


    Alors que, strate après strate, elles se sont forgé un doux cocon d’amnésie

    Déjà se faufilent vers elles les mains avides de les sentir à nouveau frémir,

    Tressaillir, se cambrer, fuir, s’accoler, s’affronter, se séparer sans doute encore.


    Le feu courroucé gronde sous sa gangue et lance un vibrant éclair de colère,

    Vif argent qui transperce les airs et tend jusqu’à rompre la corde vibrante

    Ruisselante et sinueuse du désir assassin, ce vil traître à peine endormi

    Qui soudain jaillit et explose en myriades d’étoiles à la face du sournois éveilleur.


    Et quand les flammes de l’Enfer auront enfin consumé les vestiges du Paradis,

    Qui viendra les rendormir en leur assénant les outrages du jet brutal de la réalité,

    Les séquestrant à nouveau sous la patine d’un oubli socialement correct ?

    Qui apaisera les soubresauts tourmentés de l’âme en furie, l’honneur en berne ?


    Qui me ramènera entre mes draps glacés quand tu m’auras quittée une fois de plus?

    Qui me saisira le cœur pour délicatement le réchauffer de sa maladroite tendresse ?

    Comment réussirai-je à faire survivre ce petit phœnix qui en moi, avec douleur

    Dans sa coquille se rendormira à grand peine d’un sommeil incertain et soucieux ?


    Et de cet autre moi-même t’appelant sans cesse encore... qui me protègera ?


    Photo: Rêves salés, Efelo Dream Factory

     


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    Le soleil glisse un doigt dans l'échancrure de la terre endormie. L'aube timide la tire peu à peu des limbes ouatées où elle a trouvé refuge. Elle étire bientôt ses strates, tremble du profond désir d'ouvrir ses pores à la lumière bienvenue. Comme elle se tortille! Cela fait si longtemps que les rayons la boudent, l'éternité de toute une nuit glacée... L'astre darde maintenant son halo brûlant vers les rochers alentours, embrasant d'un feu insoumis les perles de silice déposées par le temps au hasard des caprices du vent.

    Le désert étend ses bras dans toutes les directions, offrant sa fatale accolade aux rares êtres vivants des environs. Seul refuge dans l'immensité désolée, l'arbre veille et accueille sous sa palme les malheureux que la folie a égarés. Ils s'étendent à ses pieds et goûtent avec délice la caresse soyeuse de son ombre géante. Le chaos de leurs coeurs affolés s'apaise enfin et ils se coulent sans hâte dans la sournoise douceur d'un repos bien mérité. Si loin est le chemin du puits auquel est suspendu le fil de leur vie... 

    Leur courage s'enfuit au rythme de leurs soupirs, dont le dernier vient d'être lâché en pâture aux vautours. C'est l'hallali! Plumes et griffes voltigent en un sombre ballet qui s'abat sans vergogne sur l'offrande du jour. Bientôt apparaîtront les premiers squelettes, ultimes vestiges blanchis par la morsure de l'astre impitoyable qui tranquillement, terminera sa course victorieuse en plongeant ses rais dans les entrailles céruléennes de l'horizon. Les rescapés choisiront alors ce moment pour s'éclipser en tapinois et rejoindre en silence leurs tanières négligées...


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  • Abandon

     

    Sur une plage abandonnée, sans coquillage ni crustacé, la belle hisse la voile de ses songes, légère comme l'écume qui au loin, sème ses embruns salés sur les ailes d'un vent mutin.

    La brise souffle sur la dune. Eparpille en douceur les millions de grains de silice et de quarz, pauvres pèlerins essoufflés par l'érosion d'un voyage si brutal à travers torrents et méandres tourmentés.

    Ignorant la géographie et la bienséance de certaines frontières, le sable innocent s'insinue au creux de ses reins et souligne d'un trait doré la perfection de ses courbes alanguies.

    Elle tressaille soudain et soulève le bras pour découvrir l'origine de ce picotement incongru qui brise l'instant de grâce. Elle repère l'audacieux talitre qui a ainsi osé interrompre son repos, et le chasse d'un revers de la main.

    L'amphipode n'a cure de sa hargne et s'éloigne d'un bond prodigieux pour s'enfouir au plus vite dans une galerie improvisée qu'il creuse en un éclair. La belle soupire et se gratte d'un geste nonchalant avant de reprendre la pose sous l'oeil vigilant mais compréhensif du photographe...

     

    Photo: Efelo Dream Factory, A l'horizon des Rêves

     


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    Déboire au pays des manuscrits... Soucieuse de présenter un travail impeccable aux comités de lecture qui voudront bien prendre connaissance de ma prose, je fouille un peu sur le net, histoire de trouver la perle rare en matière d'organisation de texte. Un blog québécois me semble approprié, donnant 10 conseils assez simples à suivre pour donner envie à un lecteur potentiel de mettre le manuscrit sur ses genoux plutôt qu'à la poubelle.

     

    Me voilà donc à tout mettre en Times New Roman, corps 12, avec de belles marges de 2.5 cm, sauf à gauche où j'en colle 3, un double interligne, le retrait pour chaque nouveau paragraphe, et j'arrive aux dialogues... Argh, me dis-je en découvrant ma terrible méprise. Pourquoi ai-je commis la fatale erreur de coller des tirets de base (touche "6"), à la place de tirets cadratins? Quoi t'est-ce, ce bestiau-là?

      

    " Je suis le tiret cadratin. Non, je ne suis pas un mot valise. Rien à voir avec un quelconque esprit libertin de la quatrième décennie.

      

    — Un, deux, trois… Poulet !"

      

    Bon, la réplique tombe comme un cheveu sur la soupe, je sais, mais c'est juste un copié-collé au hasard. Il est beau, mon tiret cadratin, il est beau! Qu'on se le dise et répète. Non, parce que non content de s'imposer, le bougre, il m'a refusé la plus élémentaire des toutes petites choses, à savoir s'éclipser en catimini d'un clic de Word après avoir activé le menu "outils de correction automatique" et "remplacer machin par truc". Nan. Trop simple. Le cadratin se mérite, Messieurs-Dames, il lui faut du sang, de la sueur et des larmes. Et une tendinite. Parce que moi, pas de bol, j'ai le dialogue prolifique, quand j'étale ma prose. Et que procéder à la substitution de quelques milliers de tirets de base, ça prend du temps. Beaucoup de temps.

     

    Alors promis, que je me suis dit en moi-même de sorte que ça résonne bien fort: la prochaine fois que tu ponds du dialogue, tu le configures tout de suite dès la première réplique, ton cadratin, hein? Pas question de se la refaire en manuel, la manip. Ou alors, tu écris un ouvrage avec des héros muets et non pensants, tant qu'à faire. Oui, c'est ça. Un livre sur la vie passionnante d'une bûche au pays des sapins de Noël. Bientôt dans les kiosques.


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    Je me suis demandée comment j'en parlerais, comment je pourrais poser des mots sur ce qui s'est passé, ce départ d'une belle personne qui appartenait à ce curieux environnement qu'est la blogosphère.

    Dominique était présent au travers de ses billets et des réponses qu'il accordait à chacun, sans juger ce qui lui était confié, toujours dans l'ouverture et la tolérance, permettant à chacun de trouver son propre chemin. Il avait la curiosité de partir à la découverte de ceux avec qui il échangeait, transformant le virtuel en rencontres bien réelles et chargées de sens. Je lui avais dit que le jour de notre rencontre serait à marquer d'une pierre blanche, et il m'en avait amené une de chez lui...

    Trop courts furent ces moments qu'il a eu la gentillesse de partager avec moi, avec nous. Et on a beau se retrancher derrière nos écrans, la blessure n'en est pas moins profonde, et nous rappelle que nous sommes des êtres de chair et de sang, pas de simples esprits folâtrant dans un univers factice.

    Alors, simplement merci pour ce que tu m'as apporté, et j'envoie une pensée à ta femme et tes enfants qui sont dans la peine de t'avoir perdu.


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