• Service ordinaire

     

     

    Les jours se suivent et se ressemblent. Rien ne dépasse, tout s'emboîte à la perfection au millimètre près, au point qu'on en perd le fil. Quel jour est-on? Qu'a-t-on fait hier ou la semaine dernière? Les souvenirs proches se mêlent les uns aux autres dans un brouillard tenace, la visibilité de ces non évènements est engluée sur le tapis roulant des habitudes.

    Et voilà qu'on rajoute une assiette sur la pile, tout en haut. Encore la même, toujours la même, une de plus. L'édifice n'est même pas branlant, puisqu'on l'ajuste au petit poil sur la précédente. On a pris le pied à coulisse électronique pour la poser là, il ne faut surtout pas qu'elle se fasse remarquer. Elle est semblable à toutes les autres, elles sont issues du même sempiternel service de grand-mère qu'on aimerait bien envoyer balader. Mais non: on se retient, on évoque les souvenirs du bon vieux temps, le respect des anciens et tout le toutim.

    N'empêche qu'on lorgne de l'autre côté du chemin, par delà les ornières infranchissables du changement. On se prend à rêver d'un service dépareillé, un peu fou, et même d'assiettes ébréchées. On se construit mentalement une tour de Babel toute de guingois, avec une chevelure hirsute et des auréoles sous les bras. Une pile qui pourrait se casser la gueule à tout moment et qu'on redresse in extremis à la force du poignet. Une pile qui a du sens, du vécu, des tâches et des fêlures. Mais qui vit, tout simplement...

    (Texte du 24/01/12 et rapatrié de mon autre blog).

    Photo: Tracy Kendall, wallpaper.


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