• Les fils de la pensée

    Les fils de la pensée

     

    Ce matin, je me suis demandée à quoi pouvait bien ressembler nos pensées vues d'en haut par un observateur extérieur. Bien sûr, il faut pour cela imaginer qu'il dispose d'un gadget lui permettant de les visualiser sous une forme physique quelconque. Une pensée est un concept abstrait par essence, mais on peut convenir qu'elle débute quelque part pour aboutir ailleurs. Saisissons-nous donc du fil d'entrée et dévidons-le.

    Certains sont organisés au point que ce fil s'enroule sur lui-même de façon très régulière, trop peut-être. Un tour, puis un autre, et encore un autre. Les rangs se juxtaposent au micron près et forment une bobine parfaite, solide, symétrique. Une fois que tout est aligné, plus rien ne peut bouger. La fantaisie n'est pas de mise, et la couturière qui se saisira du bout qui dépasse un peu ne pourra sans doute que broder au point de croix, très serré, bien ordonné et qui fera sans doute un joli tableau une fois encadré et cloué sur le mur du salon.

    D'autres cultivent l'art du dérangement organisé. Ils arrivent à faire croire que leurs pensées sont de véritables feux follets aux  couleurs vives et aux tressautement erratiques. Ils flambent un peu ici ou là, pour l'esbrouffe ou pour se sentir exister un peu, honteusement peut-être. Et quand la tricoteuse qui passe par là tente de commencer le pull jacquard de ses rêves, elle s'aperçoit vite qu'en tirant le fil de la pelote rembobinée à la va comme je te pousse, la couleur est la même d'un bout à l'autre

    Et puis il y a ceux qui émettent des pensées dans tous les sens, et qu'on ne peut attraper qu'un court instant. On prend un bout, on le suit et on arrive déjà à la fin du brin. Puis on en saisit un autre, et le trajet est aussi court. Encore un autre. On saute du coq à l'âne, on joue à la marelle et on atterrit à pieds joints dans une flaque d'eau. Et on repart à l'assaut des éléments parce qu'il est impossible de se lasser de cette naïveté sans cesse renouvelée, de cette fraîcheur candide qui nous pousse à la découvrir un peu plus à chaque fois. A s'en abreuver jusqu'à plus soif. A friser la nausée à force de la croquer. Et d'en haut, de son observatoire neutre, que voit notre ami avec son appareil sophistiqué? Sans doute un joyeux pompon multicolore qui bondit et rebondit aux quatre coins d'une boîte crânienne à la solidité éprouvée...

     

    Photo: Invitation céleste, Efelo Dream Factory.


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