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    Le cadeau

     

    Ce matin, dans ma boîte aux lettres, sommeillait un petit trésor venu de Suisse, une grande enveloppe qui avait emprunté un peu de bleu au ciel pour venir éclairer ma journée. A l'intérieur, une grande lettre écrite avec application  par un enfant à l'encre bleue par dessus un modèle encore visible au crayon de bois. J'ai imaginé qu'il avait glissé sous la feuille un gabarit aux lignes bien parallèles. Sur la deuxième page, tous ceux dont il avait été le porte-parole avait signé de leurs prénoms, dans tous les sens et de toutes les couleurs. Un véritable feu d'artifice!

    Il y avait aussi un autre cadeau dans cette enveloppe: un petit livret contenant les dessins qu'ils avaient réalisés pour moi avec leurs deux enseignantes, suite à la lecture en classe de "L'enfant et le bélier", mon premier livre. Une bouffée d'émotion m'a saisie, et un sourire s'est incrusté à demeure pour le reste de la journée. Comme tout m'a paru léger, aujourd'hui! Vivre ce genre d'instant est pour moi une pure merveille, si rare mais si riche...

    Pour les curieux, vous pouvez jeter un petit coup d'oeil ici ou...

     

    Le cadeau

     


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  • Drague on steak

     

    Anecdote de supermarché, ce matin. Attention, âmes sensibles s'abstenir.

    Je faisais mes courses, en bonne ménagère, chariot au poing, liste bien affûtée, bien décidée à nourrir ma famille presque nombreuse et à supporter sans broncher les possibles rodomontades de clients mal lunés. Au rayon boucherie, la charmante dame devant moi prenait tout son temps.

    - Ah oui, vous savez, ma fille vient d'accoucher de son 3ème enfant. Même qu'elle est en train d'allaiter sur le parking en ce moment, vous vous rendez compte?

    - En effet... a répondu l'homme au tablier, tempes légèrement grisonnantes et couteau à la main. Vous devez être une mamie comblée!

    - Oh oui alors! a continué la dame. Tenez, je vais vous prendre des paupiettes, elle adore ça, je ne voudrais pas la perturber en ce moment...

    - Vous avez raison, et vous devriez aussi prendre des fraises, rapport aux envies...

    - Ben non, elle en a plus, d'envies, maintenant!

    - Ah! Elle a accouché, alors? continua le fin psychologue au tablier blanc.

    - Oui...

    J'assistais à ce beau dialogue de sourd en prenant mon mal en patience, et en ayant une petite pensée pleine de compassion pour le responsable du rayon fruits et légumes qui avait en la personne du dépeceur un sérieux concurrent. Des fraises... Bref, la dame part, c'est mon tour.

    - Bonjour Madademoiselle, commence le démembreur avec un goût certain. Qu'est-ce que je vous mets?

    Je le jauge, puis me lance:

    - Trois steaks hâchés, s'il vous plaît. Deux gros et un petit.

    - Vous êtes en plein dedans, vous, hein?

    - Heu???

    - Ben oui, vous aussi, vous attendez un heureux évènements, non?

    Un blanc, puis j'éclate de rire. Mine déconfite du trancheur, qui jette un coup d'oeil perdu à son collègue derrière lui, plié en deux lui aussi.

    - Pas vraiment, non! Je suis juste grosse!

    - Heuuuuuu! Non, non, c'est pas du tout ce que j'ai voulu dire! Mince alors... Mais, continue-t-il en tentant désespément de se rattraper, ça aurait pu, non? Je veux dire, vous êtes toute jeune...

    Bien dit, pas mal comme rétablissement de dernière minute. Et là, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai enchaîné:

    - Oh, vous savez, j'ai passé l'âge...

    - Non?? Vous rigolez? Je parie que vous n'avez même pas quarante ans!

    - Et si, même un peu plus uh uh uh!

    Non mais la greluche que je fais! Une vraie gamine, des fois. Il a eu un regard vide, un beau regard gris bleu comme je les aime. Le temps que les neurones se reconnectent, il m'a avoué que depuis le temps qu'il me connaissait, il n'aurait jamais cru ça. Tiens, j'apprends qu'il m'avait remarquée, depuis 22 ans que je sévis dans le quartier. Sympa. Bon, faut dire que je l'ai bien cherché, avec ma tunique extra large of the dead... L'ai-je déçu? Va-t-il se remettre du choc? La suite de la blod story au prochain épisode, messieurs-dames!

     

    Photo: Marylin Monroe by Earl Theisen, 1952. Ici...


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  • Urbaine solitude

     

    Un parking souterrain, ce matin. Quelques courses en ville, histoire de refaire les stocks de la maison en théobromine, et retour à la case départ moins d'une heure après l'arrivée. J'insère le ticket dans la machine, qui me l'aspire comme si sa vie en dépendait. Verdict implacable: je ne suis pas restée assez longtemps sur les pavés pour avoir le droit de payer avec ma carte bleue. J'ai donc le choix: soit payer avec un billet, soit attendre vingt minutes pour pouvoir me délester virtuellement de mes sous. J'opte pour la première méthode, et glisse un billet de vingt euros dans la fente, aussi goulue que la précédente. J'attends. Et là, le miracle s'accomplit: les pièces se mettent à pleuvoir dans le réceptacle en une symphonie sans fin. Enfin, presque. Je soulève le petit couvercle transparent pour récupérer mon dû, et me tourne, hilare, vers les stationautes suivants, en leur décrétant: "J'ai gagné!". Et là, silence, petit sourire gêné, levage de sourcils... Le plat total. Le bide. La loose.  J'ai réprimé avec difficulté un fou rire et me suis enfuie, le coin des lèvres relevé jusqu'aux oreilles. Du coup, en reprenant ma voiture, je me suis envoyé un appel de phare dans une vitrine publicitaire en face, un peu comme un clin d'oeil mécanique pour célébrer cet instant d'intense solitude souterraine...

     

    Photo: archives personnelles.


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  • Les fils de la pensée

     

    Ce matin, je me suis demandée à quoi pouvait bien ressembler nos pensées vues d'en haut par un observateur extérieur. Bien sûr, il faut pour cela imaginer qu'il dispose d'un gadget lui permettant de les visualiser sous une forme physique quelconque. Une pensée est un concept abstrait par essence, mais on peut convenir qu'elle débute quelque part pour aboutir ailleurs. Saisissons-nous donc du fil d'entrée et dévidons-le.

    Certains sont organisés au point que ce fil s'enroule sur lui-même de façon très régulière, trop peut-être. Un tour, puis un autre, et encore un autre. Les rangs se juxtaposent au micron près et forment une bobine parfaite, solide, symétrique. Une fois que tout est aligné, plus rien ne peut bouger. La fantaisie n'est pas de mise, et la couturière qui se saisira du bout qui dépasse un peu ne pourra sans doute que broder au point de croix, très serré, bien ordonné et qui fera sans doute un joli tableau une fois encadré et cloué sur le mur du salon.

    D'autres cultivent l'art du dérangement organisé. Ils arrivent à faire croire que leurs pensées sont de véritables feux follets aux  couleurs vives et aux tressautement erratiques. Ils flambent un peu ici ou là, pour l'esbrouffe ou pour se sentir exister un peu, honteusement peut-être. Et quand la tricoteuse qui passe par là tente de commencer le pull jacquard de ses rêves, elle s'aperçoit vite qu'en tirant le fil de la pelote rembobinée à la va comme je te pousse, la couleur est la même d'un bout à l'autre

    Et puis il y a ceux qui émettent des pensées dans tous les sens, et qu'on ne peut attraper qu'un court instant. On prend un bout, on le suit et on arrive déjà à la fin du brin. Puis on en saisit un autre, et le trajet est aussi court. Encore un autre. On saute du coq à l'âne, on joue à la marelle et on atterrit à pieds joints dans une flaque d'eau. Et on repart à l'assaut des éléments parce qu'il est impossible de se lasser de cette naïveté sans cesse renouvelée, de cette fraîcheur candide qui nous pousse à la découvrir un peu plus à chaque fois. A s'en abreuver jusqu'à plus soif. A friser la nausée à force de la croquer. Et d'en haut, de son observatoire neutre, que voit notre ami avec son appareil sophistiqué? Sans doute un joyeux pompon multicolore qui bondit et rebondit aux quatre coins d'une boîte crânienne à la solidité éprouvée...

     

    Photo: Invitation céleste, Efelo Dream Factory.


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  • Fin d'une love story d'enfer...

    Toutes les histoires ont une fin, c'est certain, mais pourquoi a-t-il fallu que tu me lâches aujourd'hui précisément? Ai-je fait quelque chose de mal? T'ai-je froissé sans le vouloir en pensant mettre simplement les choses à plat? Je sais bien que tu n'es pas toujours aussi élastique que je le souhaiterais, mais depuis toutes ces années passées à tes côtés, je pensais que nous ferions encore un bout de chemin ensemble, toi et moi.

    Je ne pourrais jamais oublier la veulerie de ton attaque, sournoise à l'extrême. Dire que j'ai mis toute une journée à m'en apercevoir... Je sens encore le rouge de la honte me monter aux joues rétrospectivement. Mais pourquoi as-tu ciblé cet endroit précis? Voulais-tu me faire payer certains excès ? Trouvais-tu mes parties de jambes en l'air trop dangereuses pour ta santé? J'aurais pu comprendre si tu m'avais envoyé un petit signal avant coureur. J'aurais évité la catastrophe en pleine réunion.

    Oui, je sais bien que ça peut arriver, qu'on craque comme ça. La vie nous soumet à si rude épreuve... Toujours courir, monter des escaliers, grimper en voiture, faire les courses, se mettre à genoux pour un oui, pour un non, ou encore sauter par dessus les flaques d'eau. Tu aurais pu tenir encore un peu pour m'épargner le pire, non? Au lieu de cela... Je me suis aperçue que tu m'avais filé entre les doigts quand mon regard s'est abaissé sur mon entrejambe, lors de cette réunion que j'animais. Un blanc. Du rose. Celui de mes cuisses qui a jailli vers le regard concupiscent de l'assemblée soudain captivée par ces deux énormes trous que tu venais de faire apparaître dans ta trame.

    Ah! La perfidie d'un jean's...

     

    Photo: Efelo Dream Factory, Women Memories


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